Un sujet d’inquiétude pour les consommateurs et les agriculteurs
Le marché des produits bio et de qualité connaît un essor considérable ces dernières années. De plus en plus de consommateurs se tournent vers ces produits, soucieux de l’environnement et de leur santé. Cependant, de nombreuses interrogations subsistent quant aux pratiques de la grande distribution dans la commercialisation de ces produits. Les associations de consommateurs et d’agriculteurs ont souvent pointé du doigt de possibles surmarges sur ces produits, venant ainsi biaiser la rémunération des agriculteurs et le coût pour les consommateurs. Mais qu’en est-il réellement ? Quelles sont les conclusions des récentes enquêtes menées par l’Inspection générale des finances et le CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) ? Faisons le point sur cette question importante.
Pas de tendance systématique à augmenter les marges
Dans leur rapport étudiant la mise en place d’un encadrement des marges des distributeurs sur les produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine (Siqo), l’Inspection générale des finances et le CGAAER concluent à l’absence de tendance systématique à augmenter les marges sur les produits bio et de qualité. En effet, ces deux institutions ont réalisé une enquête approfondie en étudiant différents produits sous Siqo (agriculture biologique, label rouge…) pour en comparer les marges avec des produits conventionnels équivalents. Les résultats ont révélé que les marges ne sont pas systématiquement plus élevées sur les produits bio et de qualité. Pourtant, les soupçons persistent, notamment chez les associations de consommateurs et d’agriculteurs.
La logique de péréquation à l’origine de différences de prix flagrantes
Alors, comment expliquer les différences de prix souvent constatées entre celui payé aux producteurs et celui dans les rayons des magasins ? Les rapporteurs pointent du doigt la logique de péréquation propre à chaque enseigne. En baissant les marges sur certains produits d’appel, les distributeurs compensent en augmentant celles sur d’autres produits moins vendus. Cette pratique est courante dans le monde de la grande distribution et ne concerne pas uniquement les produits bio et de qualité. De plus, ils constatent que cette péréquation peut jouer autant en faveur qu’en défaveur des produits sous Siqo étudiés. En effet, certains produits peuvent connaître une baisse de marge pour maintenir des prix bas, tandis que d’autres peuvent voir leur marge augmenter pour compenser.
La guerre des prix : un facteur à prendre en compte
En outre, les rapporteurs soulignent que la pratique des “paniers anti-inflation”, composés en grande partie de produits de marque de distributeur, peut également accentuer la logique de péréquation. Ces paniers, destinés à proposer des prix attractifs aux consommateurs, peuvent donc impacter les marges sur d’autres produits. Cependant, il est intéressant de noter que cette pratique n’est pas spécifique aux produits bio et de qualité, mais concerne l’ensemble des produits vendus en grande distribution.
Un écart de perception dû à la pratique du taux de marge
Un autre élément vient nuancer les soupçons de surmarges sur les produits bio et de qualité. Les rapporteurs ont relevé une différence de perception des marges, en raison de la pratique courante de calculer les marges en pourcentage de la valeur d’achat. Ainsi, un produit bio avec un taux de marge égal à celui d’un produit conventionnel peut générer une marge supérieure en valeur. Cette différence dans la perception peut donc créer une confusion et nourrir les soupçons de surmarges.
Une analyse nuancée en raison du manque de données
Cependant, il convient de prendre en compte le manque de données dont disposent les rapporteurs pour mener leur enquête. L’OFPM (Observatoire de la Formation des Prix et des Marges des produits alimentaires) ne dispose pas d’un échantillon représentatif des produits sous Siqo, ce qui rend difficile toute conclusion sur les marges sur ces produits. Les institutions ont donc réalisé leurs propres échantillonnages à partir du marché de Rungis, en étudiant neuf fruits et légumes bio et du lait, ainsi que trois produits labellisés avec des équivalents conventionnels.
Un appel à un effort de transparence
Face au manque de données, les rapporteurs recommandent un “effort de transparence” sur les marges grâce à la mise en place de données par l’OFPM, l’INSEE, les acteurs des filières et les instituts de recherche. Une meilleure connaissance des marges sur les produits bio et de qualité pourrait permettre de lever les doutes et de mieux comprendre les pratiques de la grande distribution.
La problématique du déréférencement
Les rapporteurs ont également mis en avant la problématique du déréférencement des produits bio et de qualité. Cela signifie que les distributeurs choisissent de ne plus commercialiser certains produits, ce qui peut impacter leur rémunération et leur visibilité sur le marché. Cette pratique est souvent occultée, mais elle peut être un réel problème pour les producteurs et les consommateurs. En effet, cela peut entraîner une baisse de l’offre et une hausse des prix pour les consommateurs. De plus, un encadrement des marges risquerait d’accentuer cette pratique, les distributeurs cherchant alors à protéger leur rentabilité en restreignant leur offre de produits bio et de qualité.
Des pistes pour stimuler la demande et mieux rémunérer les agriculteurs
Face à ces constats, les rapporteurs ont proposé différentes pistes pour stimuler la demande des produits bio et de qualité, tout en soutenant la rémunération des agriculteurs. Parmi ces pistes, l’utilisation des politiques de filières, la commande publique de produits bio et de qualité, ainsi que la sensibilisation des consommateurs à l’importance de privilégier des produits français ou locaux. En effet, les distributeurs sont constamment à l’affût de la demande des consommateurs, et une sensibilisation accrue pourrait donc entraîner une augmentation des ventes de produits bio et de qualité, renforçant ainsi leur position sur le marché.
Conclusion
En résumé, les enquêtes menées par l’Inspection générale des finances et le CGAAER ont permis de nuancer les soupçons de surmarges systématiques sur les produits bio et de qualité. Cependant, le manque de données et la pratique de la péréquation doivent être pris en compte pour comprendre les écarts de prix souvent constatés. Il apparaît également essentiel de mieux informer les consommateurs sur l’importance de privilégier des produits bio et de qualité pour soutenir les agriculteurs et préserver l’environnement. L’amélioration de la transparence sur les marges ainsi que la prise de conscience du déréférencement sont également des enjeux importants pour garantir une juste rémunération des producteurs et une offre diversifiée pour les consommateurs.